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Une Licence en Arts Plastiques

Voyageant tout d'abord entre expérimentations et recherches de pratiques spécifiques, je découvre certains médiums et en rejette d'autres, certaines affinités se créent alors. À travers des recherches pratiques et théoriques, des observations et des expérimentations, mon travail s'oriente tout d'abord vers le rapport à la famille, puis par la suite vers la photographie.


En effet, par la collecte d'éléments qui me sont familiers, des objets de famille, ayant une histoire, un vécu, j'essaie d'introduire ces souvenirs dans le champ de l'art. Je souhaite par mes travaux, mettre en avant ces histoires, ces archives familiales. En jouant sur un travail de récupération, en utilisant des matériaux simples et pauvres, je mets l'accent sur la collecte d'objets privés ayant un rôle mémoriel.

Le miroir dans l’anti-portrait

GUYADER Julie, Anti-portrait, 2019 [photographies ci-dessus]

M'appropriant tout d'abord des objets (ce qui existe en dehors de nous en ayant été pensé par nous : produit de l'activité humaine ayant une certaine fonction ou destination) afin de les modifier ; j'essaye d'en changer leur fonction et leurs sens. 


À travers une série nommée Anti-portrait composée de deux photographies, je réalise une mise en scène grâce à des miroirs (verre poli métallisé qui réfléchit les rayons lumineux). Jouant avec la perspective, le motif du mur derrière agissant comme rôle de fond, montre les modèles se fondant avec le reflet du miroir. Les visages sont cachés grâce à ces miroirs, comme anonymes. Le motif ainsi que la forme créent un vide. Modifiant la perception du spectateur, je crée un trompe l’œil, perturbant le regardeur face aux référents. Effectivement, j'aurais pu également travailler le reflet du miroir numériquement pour que l'alignement soit parfait, mais ce travail minutieux  est volontaire. Le rôle du miroir est important à considérer ici, effectivement il cache et reflète une autre image, créant un écart avec la réalité. Il renvoie une image à la fois identique et illusoire. Le rôle premier du miroir est celui de la découverte de notre propre personne, venant d’ailleurs du latin mirari voulant dire admirer, il porte alors une réflexion particulière sur les images; comme dit dans Le miroir dans l’art de Manet à Richter de Soko Phay-Vakalis : 


«Le miroir joue une rôle essentiel pour l’homme, qui n’a cessé de vouloir y distinguer ses propres traits»


L’être humain est sans cesse en quête de découverte, en particulier de lui-même, de son physique, de ses aspects. Il ne cesse de se chercher, de se regarder, à travers les yeux des miroirs, et de nous montrer à nos yeux, tel que les autres peuvent nous voir. Le miroir est une vision du “moi”. C’est dans la peinture que celui-ci va être représenté pour permettre aux peintres de s’interroger sur la ressemblance et sur la notion d’espace. Aujourd'hui, le miroir est un objet du quotidien, omniprésent dans nos vies. 

Il est important également de s’interroger sur l’idée de portrait, se définissant d’après Etienne SOURIAU dans Vocabulaire d’Esthétique comme : 


« Le portrait est donc déjà interprétation et transcription, donc choix, pour rendre l’apparence extérieure d’une personne, quel que soit son degré de réalisme »


Si le portrait montre un aspect extérieur d’une personne, il peut aussi permettre de rendre visible sa personnalité intérieure, grâce à la pose ou encore à l’expression. Il cherche à rendre sensible l’apparence extérieure mais aussi de faire voir les émotions, les sentiments ; quelque chose de plus sensible. Je vais à l’encontre de cette idée en cachant totalement ce qui est à la base reflétée, un être, un corps. Le visage, élément de reconnaissance et d’individualité est alors caché, occulté, brouillé. La représentation s’éloigne du réel pour laisser apparaître un autre monde, d’autres représentations. Le miroir joue comme rupture entre le spectateur et ce qui est représenté, il modifie la perception et l’espace. 


La notion d'anti-portrait s'oppose en tout principe au portrait que l'on définit par une représentation, d'après un modèle réel, d'un être (surtout d'un être animé) par un artiste qui s'attache à en reproduire ou à en interpréter les traits et expressions caractéristiques. C’est donc pour cette raison que j’ai choisi de nommer ces photographies Anti-portrait. Les spectateurs se retrouvent face à ces deux photographies de personnes anonymes, se questionnant alors sur leur identité. Ils pourront également se poser des questions sur le processus de prise de la photographie : y a-t-il un montage ? Ils chercheront à identifier les visages, et peu à peu, peut-être les imaginer, ou à les associer à des personnes de leurs entourages. Les visages sont supprimés des corps grâce aux miroirs, ainsi aucune expression n’est visible, aucun trait physique n’est identifiable. Nous venons de le voir, l'empêchement suppose une chose à cacher. Dans un jeu de montrer/cacher, les visages sont dissimulés.

Les objets en urbex




GUYADER Julie, Arrêt sur images, 2018, Ancienne usine Bata, Vernon 27950. [Photographies ci-dessus]

Avec un projet sur la pratique de l'urbex, c'est-à-dire l'exploration urbaine consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l'homme, je traverse et explore une usine abandonnée dans le Nord de la France. Certaines photographies en gros plans sur des objets semblant abandonnés montrent la présence humaine à travers ses reliques. Je garde trace de mon passage en photographiant ces objets perdus, laissés à l'abandon. Ils laissent trace de leur mémoire, de leur vécu.

Ces objets laissent la trace du passage de quelqu'un, d'une histoire. Depuis plusieurs années ces objets sont abandonnés, laissés sur place, peut-être déplacés et enfin retrouvés. Dans une déambulation sur des lieux abandonnés, laissant place à ces objets, celui qui circule rencontre ces instants féconds dans sa quête, créant alors un moment de surprise dans ce moment de rencontre. Face à des objets abandonnés et seuls, les spectateurs pourraient ressentir un moment de solitude, comme dans un espace-temps arrêté. 


Ces différentes photographies sont centralisées sur des sujets particuliers, des objets racontant une histoire, un vécu. Ils ont été oubliés, volontairement ou non, déposés là, comme pour créer un hasard. Les objets sont mis au centre des photographies, le regard se dirigeant sur eux. Autour d'eux, le désordre est présent, désorganisé. Les spectateurs se retrouvent face à ces objets dont ils ne connaissent pas le vécu, ils s'interrogent, se questionnent. Ici, personne ne connaît les histoires de ces sujets, même l'artiste ne le sait pas.

Les objets de famille

GUYADER Julie, Trophées, 2019, Tête de chevreuil, 30 x 25 x 40 cm ; Album photos, 12 x 16 cm ; Archives photographiques personnelles, 10 x 15 cm. [Photographies ci-dessus]

GUYADER Julie, Société médicamenteuse, 2018, installation, 100 x 100 cm, boîtes de médicaments.​ [Photographie ci-dessous]

Les sujets peuvent être comme ici, non connus des spectateurs, ni de l'artiste. Interrogeant alors les deux parties, certains objets peuvent alors être au contraire personnels pour l'artiste, il connaît ainsi l'histoire de ces objets et peut alors en témoigner.

Dans Trophées, je récupère des objets appartenant à ma famille. J'utilise beaucoup le lien avec la famille à travers leur histoire ou grâce à des objets récupérés des générations précédentes. Une tête de chevreuil empaillée, que je vais agrémenter de trace de tir de balles. S'opposant à la pratique de la chasse, cachant habituellement les tirs de balles pour empailler proprement les animaux par la suite.

Dans une autre de mes productions nommée Société médicamenteuse, je récupère les boîtes de médicaments prescrits et consommés par mon grand-père. J'en réalise une sculpture verticale en bas-relief. Entre récupération d'objets et histoire de famille, je dénonce en même temps la société liée à la pharmaceutique et aux médicaments. Dans d'autres œuvres, je récupère des photographies de famille pour les modifier, les gratter, les brûler, je réutilise également certains négatifs de photographies pour les utiliser dans une autre fonction. On peut le définir tel un memento mori, comme un reliquaire.

©2023 par Julie Guyader.

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